Les horloges de la Qarawiyin.
Bref rappel historique:
La fondation de la Qarawiyyīn date de la dernière moitié du 9ème s.1 sous le règne du Sultan Daoud Ibn Idriss II. La Mosquée-université d’ al-Qarawiyyīn, ne pourrait être présentée en quelques lignes; elle a fait l’objet d’innombrable publications et recherches2. Depuis l’origine elle a été l’objet de travaux et de restauration sous toutes les dynasties régnantes.
Plusieurs grands savants et lettrés du Maghreb et d’Andalousie sont passés par Fez et son Université Qarawiyyīn en tant qu’orateurs, étudiants, professeurs ou simples auditeurs .
Les horloges de la Qarawiyyīn :
La mosquée a toujours été dotée de cadrans solaires verticaux et horizontaux, ainsi que d’astrolabes portatifs. Le ciel couvert, les jours nuageux ou très pluvieux posaient le problème de la détermination des heures de prière, d’où les différentes tentatives de mise en place d’horloges. Historiquement, la Qarawiyyīn a disposé de quatre instruments de mesure du temps autres que les astrolabes et les cadrans, il s’agit de deux clepsydres, la troisième est une clepsydre couplée à une grille (shabaka : tympan), et la quatrième est une clepsydre couplée à un astrolabe avec son araignée : c’est une véritable horloge astrolabique.
1) la première horloge hydraulique (clepsydre basique), dont parle le chroniqueur al-Ğaznā’ī dans Zahrat al-ās, est celle construite en 1286 ap. J.-C. ( 685 A.H.), par le qādi Muhammad Ibn Abū al-Şabr Ayyūb Ben Yaknūn, qui a chargé le mucaddil Muhammad Ibn al-Ḥabbāk3 de construire l’instrument .
Il s’agissait d’ une clepsydre constituée d’une réserve d’eau (badan min fakhār) située dans une salle, à la surface de l’eau une clepsydre graduée et trouée, fabriquée en bronze, l’eau s’échappait des trous en quantités bien déterminées et le niveau des traits de la clepsydre indiquait les heures le jour et la nuit quand le ciel est couvert. Le système a été ignoré et abandonné par la suite selon le chroniqueur.
La réfraction du minaret est accompagnée de la construction de la fameuse chambrette (la ġurayfa,( Fez : ġrīfa)) pour les responsables des heures et qui va servir à l’installation de la première horloge hydraulique de la chambrette.
2. En 1317 ap. J.-C., le mucaddil Muhammad Ibn cAbd Allah Ṣanhāğī Naṭṭāc et son collaborateur, le facteur (Rasām) Muhammad Ibn Ṣadiniya al-Qarasṭūnī, ont remplacé le système précédent par une horloge hydraulique à base de clepsydre classique.
La clepsydre est cachée par une façade en bois, elle est constitué de deux réserves d’eau, décalées en hauteur, avec un canal en bronze plaqué or, qui déverse dans le réservoir inférieur etc. ……
3٫ En 1347 ap. J.-C. (747 A.H.), Muhammad Ibn al-cArabi a restauré l’horloge en ajoutant une grille (shabaka). Al-Ğaznā’ī n’a donné aucune précision concernant cet ajout, et ne parle pas d’astrolabe. S’agit il d’un cercle zodiacal habituel ? Couplé à ce type d’horloge hydraulique ? A la manière antique vitruvienne ou médiévale de type Ibn Riḍwān ou de l’andalou Ibn Khalaf al-Murādī ? Le mot araignée (cankabūt) n’a pas été cité et n’a aucun rapport avec le mot shabaka ( grille), qui depuis l’antiquité désigne la grille des heures inégales combinées ou pas aux maisons du zodiaque.
4. En 1361 ap. J.-C, c’est l’astronome mathématicien al-Lağā’ī 4 Abū Zayd ‘Abd al-Raḥmān Ibn Sulaymān, disciple de Ibn al-Bannāʾ, qui a été chargé par le sultan Abū Sālim Ibrahim Ibn Saïd le Mérinide ( 761-762 A.H. /1359-1361 ap. J.-C.) de l’amélioration de la manğāna, Le couplage à un astrolabe est alors réalisé. C’est celui encore en place. (Ibn al-Khaṭīb al-Qusanṭīnī*, Mémorial du Maroc, cAbdallâh Guenoun, Muhammad Manūnī, Abu Shams Leila et González–Vázquez Araceli, cf. Bib.)
Dans la ġurayfa (ġrīfa) on a trouvé un document où était écrit:
« Louange à Dieu, cette manğāna a été construite, avec l’astrolabe qui la complète, sur ordre de notre seigneur le sultan Abū Salim, fils de notre seigneur Abū l-Ḥasan, fils de notre seigneur Abū Saïd, fils de notre seigneur Abū Yūsuf, fils de cAbd al-Ḥaqq le Mérinide. Sa construction et sa mise en place ont été achevées le 21 Muharram de l’an 763 A.H. » ( 20 Novembre 1361 ap. J.-C.) [Mémorial du Maroc, Page 66, cf. Bib.]
La première et la plus ancienne indication sérieuse et précise concernant le couplage d’une manğāna (horloge hydraulique) et d’un astrolabe est signalée par l’astronome et mathématicien Ibn al-Khaṭīb al-Qusanṭīnī, dans l’une de ses chroniques il écrivait que son maître al-Lağā’ī en était le facteur. (Ibn Khaṭīb al-Qusanṭīnī Ahmed surnommé Ibn Qunfuḏ, dans Uns al-Faqīr wa ‘Iz al-Haqīr, cf Bib.).
1 La version la plus répandue jusque récemment, parlait de la fondation de la Qarawiyyīn par une certaine Fatima al-Fihria en 858 ap. J.-C. [La référence est al-Qartās de Ibn ZarC]. Plusieurs chercheurs et historiens s’appuyant sur des anomalies de datation de la référence initiale et surtout, sur une découverte archéologique lors d’une restauration, démontrant que la Mosquée datait du règne du Sultan Dāwūd Ibn Idrīs II, 878 ap. J.-C. [ cf. Bib. Chafiq Benchekroun].
2 Parmi les dernières publications consacrées à la Qarawiyyīn est celle Tazi Abd al- Hadi : al-masğid wa Jamica, Bayrūt 1972.
3 Ibn al-Ḥabbāk, Muhammad, astronome et horloger, réfugié andalou à la fin XIIIe s. a exercé ses fonctions d’horloger auprès des Mérinides à Fez et à Tlemcen.
4 Al-Lağā’ī Abū Zayd ‘Abd al-Raḥmān Fils de Solaymān, ce dernier était un maître de la doctrine malékite. C’est lui qui a introduit l’abrégé de Ibn Ḥajib à Fez et qui a envoyé son fils suivre les enseignements d’ Ibn al-Bannā’ʾ à Marrakech qui était le centre du savoir scientifique de l’époque. Solaymān al-Lağā’ī avait eu comme maître Shihab-al-Din al-Qarafï Sanhaği (1128-1285 ap. J.-C.), Juriste malékite, connu pour avoir fabriqué une horloge à bougies M.A. Daḥmān page 50.